La nuit n'apporte pas que des conseils [Lhen + libre]

-"Encore cet endroit bruyant !" Marmonna le commandant en franchissant malgré lui le seuil de l'auberge. Ses lourdes bottes s'écrasaient une à une sur les vieux carreaux en pierre tandis que tête levée vers l'horizon, Lodagan posait un regard sur le comptoir et les tablées environnantes. A première vue, personne dans l'assemblée faisait parti de ses connaissances habituelles, ce qui lui parut être une très bonne chose. Il avait bien assez vu les soldats au cours des derniers jours et il en était de même avec les malfrats interceptés à Centrale. Ainsi, le charismatique commandant Kerr se faufila dans l'auberge, entre les clients des différentes contrées de ce monde. Maintenant qu'il était sur place, il comptait bien profiter de ces quelques instants de détente avec un bon verre à la main. Il observa une nouvelle fois les tables incomplètes dans l'espoir d'une petite partie de cartes mais les seuls joueurs présents affichaient complets à la table du fond. Ce serait semble t-il pour une prochaine fois. Le soldat se contenta ainsi de lever une main en direction du comptoir tout en s'approchant de l'une des dernières tables libres, à moins qu'il ne s'agisse bel et bien de la dernière disponible. Lodagan étant un habitué des lieux, l'aubergiste ne manquerait pas de lui emmener sa bière favorite. Alors qu'il tirait la chaise vers lui, une jeune elfe sembla faire de même juste en face de lui. En homme respectable et respecté, il salua la demoiselle et entama la discussion.

-"Salutations chère Madame. Accepteriez-vous que l'on partage cette table ?" Dit-il en observant le mobilier prisé et en s'adressant de nouveau à la jeune femme. "Il porte à croire que les tables de cette auberge sont plus recherchées que les éveillés de ce monde". En disant ces mots, le commandant eut une pensée pour le prince qui lui donnait constamment des sueurs froides et avec lequel les relations des dernières semaines s'étaient avérées non pas houleuses mais absentes, les deux hommes ayant quelques points divergents et l'un d'entre eux étant têtu comme une mule, mais personne n'aurait le loisir de connaître les pensées du soldat sur ce point. Il fut sortit de ses préoccupations lorsque les deux fines oreilles qui lui faisaient face lui rappelèrent le malheur qui s'abattait actuellement sur Estérya. L'assassinat de leur protecteur fut une épreuve pour tout un royaume et Lodagan trouvait presque insolente sa précédente intervention. Il ne l'avait pas souhaité et espérait que la jeune elfe ne lui en tiendrait pas rigueur. Il n'eut pas le temps de se reprendre puisque le serveur déposa devant lui, vaillamment et sans délicatesse, la pinte réconfortante tant attendue. "Fort bien !" Dit-il en s'installant. "Merci." Tout en le rappelant aussitôt, il ajouta : "Cette jeune dame va prendre commande". Puis, se tournant vers la jeune femme. "Souhaitez-vous boire quelque chose ?" Le doux visage ici présent ne semblait pas compatible avec les boissons alcoolisées, mais certaines représentantes de l'ordre féminin étaient parfois étonnantes dans ce domaine. Lodagan avait pu s'en rendre compte lors de ses nombreux voyages au travers du royaume tout entier mais il avait généralement trop peu de temps à accorder aux demoiselles de ce monde. Sa vie appartenait à Centrale, à la Caldérie et aux caldérions, et il accomplirait son devoir jusqu'à la mort. Alors que le serveur attendait une réponse de la jeune elfe, Lodagan observait les âmes en présence tout autour de leur position.

Elle ouvre les yeux, enveloppée par une chaleur accueillante. L’elfe au teint de porcelaine pénètre dans un lieu animé. L’air est chargé de senteurs de viande grillée et d’hydromel. Des convives partagent des chopes, d’autres se livrent à des jeux de dés ou de cartes, misant quelques pièces. Aucun visage familier ne se distingue dans cette foule, et une légère angoisse se dessine sur le visage de Lhen. Les endroits animés ne sont pas son fort, préférant la quiétude des lieux paisibles où son esprit peut vagabonder librement. Néanmoins, entendre de tels éclats de rire et voir de la bonne camaraderie lui donnent du baume au cœur. Depuis la mort de sa sœur et les nombreuses bêtes qu’ils ont dû affronter avec Lars, son compère exilé, atterrir dans cet endroit lui permet de souffler un peu. Elle s’accorde à entrer parmi toute cette agitation, d’un pas agile et discret, jusqu’à une table éloignée de la porte d’entrée. Il est difficile de raisonner parmi tout ce vacarme incessant, alors l’elfe observe calmement.

Saisissant du regard les visages qui l’entourent pour pouvoir les imprégner dans son esprit, peut-être espère-t-elle avoir une conversation avec quelqu’un de cordial et ainsi libérer une partie de ces maux. Un homme au visage marqué, probablement par des combats à en juger par la cicatrice ornant son œil gauche, mais aussi par son âge avancé et ses cheveux grisonnants, lui demande poliment l'autorisation de s’asseoir à sa table. D’un signe de tête, elle l’invite à s’installer en face d’elle et entame la discussion. Cet homme à la carrure bien bâti démontre une certaine force, ayant peut-être affronté des dangers auxquels elle ne peut même pas imaginer. Sa barbe soignée et sa posture révélent un homme soucieux de son image. Elle se demande intérieurement si cet homme est connu. En tout cas, sans même demander ce qu’il désirait, un garçon pose une pinte devant l’étranger, se tournant vers elle pour savoir ce qu’elle désire boire. D’une voix légèrement plus forte pour couvrir le bruit tonitruant de l’auberge, Lhen déclare avec un sourire « De l’eau, je vous prie. » Le garçon semble surprit, se dirige au niveau du comptoir pour satisfaire sa demande.

Pendant ce temps, la jeune femme observe les vêtements et la prestance de son compagnon de table. Son apparence laisse entendre qu'il occupe un rang élevé. « Je vous remercie, mais je n’ai pas beaucoup de moyens et je préfère me contenter d’un verre d’eau. Je ne suis pas friande d’alcool », explique-t-elle, passant une main dans sa chevelure blonde polaire. Une pointe d’anxiété s’insinue en elle. Les gens aimables se font rares ces temps-ci, surtout dans l’environnement hostile où elle évolue aux côtés de Lars. D’ailleurs, où peut-il bien se trouver ? Elle interroge l’inconnu : « Excusez-moi, n’auriez-vous pas vu un homme d’une trentaine d’années, cheveux noirs, vêtu d’une houppelande brune ? C’est mon compagnon de route mais je ne le vois pas. » Elle redoute qu’il lui soit arrivé quelque chose, la laissant seule dans cet endroit étrange. Une fois le garçon de retour, elle prend des deux mains son verre et boit quelques gorgées. D’une voix calme, Lhen questionne l’étranger « Vous semblez être un habitué des lieux. Je ne sais pas si je dois vous appelez messire ou utiliser un tout autre qualificatif. Je me présente, Lhen, enchantée de faire votre connaissance. Les quelques hommes que j’ai pu rencontrer n’étaient pas aussi courtois.»

Plus sombre que les desseins d'Hodémon, la nuit avait recouvert le sud de Rhaak ou bien le Nord d'Estérya, tout dépendait de la position des âmes combattantes. Helviiryn s'installa dans le fauteuil improvisé, au fond de la grande tente mise à sa disposition. Il observa quelques cartes représentant les contrées elfiques et griffonna des traits et des idées offensives et tactiques, ici et là. Il regroupa d'un geste l'ensemble des documents et déposa le tout sur le tabouret qui faisait office de table. Demain serait un autre jour, avec son lot de prisonniers, de décisions, d'exécutions, de percées en territoire ennemi, de bonnes et de mauvaises nouvelles. Tête en arrière, yeux fermés pour leur octroyer un peu de repos, le drow parvint à se détendre suffisamment pour s'engouffrer dans un sommeil nécessaire et tellement lointain que son esprit errerait jusqu'à l'auberge onirique.

Le regard du serveur en direction de l'entrée avait suffit pour que celui-ci détale derrière le comptoir. La silhouette imposante et démoniaque du sang-noir avait soudainement refroidit l'ambiance des premières tables tandis que son visage fermé laissait déjà entrevoir le côté perfide du personnage. Plusieurs clients firent semblant de ne pas avoir remarqué l'entrée du drow, préférant éviter ainsi tout ennui et poursuivant les futiles activités que proposait ce lieu trop fréquenté. Helviiryn marcha vers ce même comptoir et commanda un verre. L’œil porté sur la salle dans l'attente d'être servi, il remarqua une table encore libre de futurs assoiffés. Il prit cette même direction avec son verre à la main, jetant un froid certain à chaque table dépassée au même titre qu'un silence à son approche. La plupart des clients présents appartenaient aux contrées libres, il n'était donc pas le bienvenu.

Une main se posa donc sur le dossier de la troisième chaise. Tirée vers l'arrière, elle émit un léger bruit contre le sol et alerta les deux autres occupants à peine installés. Le drow n'avait pas eu le temps de traverser cette assemblée de ploucs que la table souhaitée était déjà conquise par un homme et une elfe. Ces moins que rien étaient rapides, autant dans les bois réels que dans la taverne aux rêveries. Il en serait peut-être le cauchemard mais cela ne lui importait pas le moins du monde. Le drow déposa son verre sur le bois de la vieille table et décocha un regard déshumanisé et glacial en direction de la jeune femme, belle et grâcieuse en apparence, l'elfe, l'ennemi actuel de Rhaak. Puis il s'aventura sur l'homme d'un certain âge, expérimenté, serein, certes d'une prestance évidente, l'humain, l'ennemi ancestral de Rhaak.

Helviiryn savait se tenir, il était certes un sang-noir, mais un drow surpassait nettement un syrion au niveau du comportement, égalant ainsi les nirphaliens sur ce plan. Cela ne l'empêchait pas de se montrer désobligeant, presque insolent, lorsque son humeur était de nature à taquiner un quelconque interlocuteur.

"Même si la tâche s'annonce complexe pour de simples ... campagnards, poursuivez vos échanges ennuyeux loin de mes oreilles".

Il fallait bien un individu désagréable au sein de cette auberge mal fréquentée.

Cette charmante demoiselle semblait être de très bonne compagnie. Et si elle associait la courtoisie au soldat, elle aurait bien des difficultés à faire de même avec l'individu qui venait de franchir le seuil de l'auberge tout autant que les limites d'une intrusion indélicate dans leur conversation. Mais avant cet autre problème, Lodagan avait entendu la description que l'elfe avait fait d'un compagnon de route qu'elle semblait chercher au sein de l'auberge. En homme serviable et honnête, le commandant prit alors la parole pour aider au mieux celle qui partageait sa table.

-"Enchantée Lhen. Vous pouvez m'appeler Lodagan". Il n'était pas ici en tant que commandant de l'armée de Caldérie mais simplement en tant qu'homme endormi cherchant à s'évader du quotidien en passant un moment agréable en charmante compagnie. Et cela n'allait visiblement pas durer... "Je n'ai pas vu celui que vous me décrivez. Mais vous devez savoir, ma chère, que cet endroit est bien mystérieux". Le soldat comprit que l'être elfique venait certainement ici pour la première fois. "Si vous êtes ici, cela signifit que vous dormez. Peut-être que votre compagnon n'est pas endormi ou qu'il n'est pas dans un sommeil suffisant pour l'entrainer jusqu'à nous". Dans cet établissement, la présence des clients était aléatoire et l'inexplicable n'avait pas toujours de réponse. Quoiqu'il en soit, Lodagan ne saurait s'aventurer sur un terrain dont il ignorait les aspects.

Alors que l'homme et l'elfe avaient fait connaissance, ce qui s'apparentait à un drow attrapa la chaise encore libre et prit place à leur table sans aucune politesse. De surcroit, il osa leur demander de ne pas le déranger avec leur conversation en les traitant également de campagnards. Lodagan avait une fois plus la preuve que le prince qu'il avait tendance à surprotéger devait rester en vie, devenir le prochain éveillé du royaume et empêcher les sang-noirs de pénétrer sur leurs terres. Celui-là avait envahi leur table et il était déjà de trop. Le commandant ne tairait pas son ressentiment, tout comme il ne dénigrerait pas volontairement l'individu, point désireux de faire dégénérer la situation en spectacle ennuyeux ou pathétique pour les autres clients et pour la jeune elfe.

-"Je vous invite, drow sans manières, à prendre congés des campagnards que nous sommes. Prenez donc cette chaise et allez vous installer plus loin dans cette auberge". Lodagan n'hésita aucunement à le fixer du regard pour appuyer la volonté qui accompagnait ses paroles. "La quitter serait sans doute trop demander". Il resterait serein et poli malgré le comportement du malpropre qui se tenait devant lui. Le commandant avala une gorgée de son verre puis il échangea un regard avec l'elfe ainsi qu'un clin d’œil discret.

Alors que l’homme exprime ses paroles avec délicatesse, il avoue ne pas avoir aperçu son compagnon de route dans les environs. Autour d’eux, les voix des autres clients se mêlent dans un brouhaha animé : des éclats de rire suite à une blague grivoise, des discussions pour trouver une place libre. Cependant, une ombre s’avance jusqu'à leur table, portant un air peu engageant. L’être à la peau sombre se déplace avec agilité, comme si la simple vue des deux personnes l'indisposait. Pour Lhen, c’est une première rencontre avec un drow, ces êtres sur lesquels circulent des récits sinistres. Ils incarnent la malveillance et la duplicité, cherchant avant tout le gain et le sang. La jeune femme, aux oreilles pointues, observe ce visage ténébreux avec une curiosité mesurée. Lodagan prend la parole avec assurance, ne se laissant pas intimider aisément. Un léger sourire accompagne son clin d’œil, mais Lhen, restant impassible, rétorque : « Le monde est déjà suffisamment chargé de négativité. Nous sommes ici pour nous reposer et échanger agréablement. Si ce n’est pas votre intention, rien ne vous retient à notre table. Je n’avais encore jamais rencontré l’un de votre peuple, mais il semblerait que vous en incarniez parfaitement les traits. »

Ce genre de personnalité désinvolte et dépourvue de valeurs morales est rare pour Lhen, qui avant la grande guerre n'aurait jamais imaginé croiser un individu de ce genre. Dans son monde d’avant, c’était inconcevable. Son regard, d’un gris-bleu mélancolique, peine à savoir comment réagir face à l’elfe noir. Habituellement axée sur l’écoute et la compassion, Lhen se retrouve face à une ombre absorbante, éructant son mépris envers les autres peuples d’Esterya. Elle se saisit timidement de son verre, mais n’y porte pas attention, cherchant juste un ancrage pour se rassurer. Fragile et vulnérable, elle projette une douceur qui trahit un être meurtri par un monde impitoyable. Elle ne laisse rien transparaître sur son visage de porcelaine, tâchant de dissimuler toute faiblesse. Elle se sait si fragile qu’un simple coup pourrait la briser. La présence de Myriée ou de Lars à ses côtés la rassurerait, mais là, seule avec Lodagan, elle ne parvient pas à accorder une confiance totale. Même les sourires les plus charmeurs dissimulent souvent bien des choses.

Alors qu’elle essaie d’en apprendre davantage sur les événements en cours, cherchant peut-être des réponses à des questions qu’elle n’aurait pas l’occasion de poser en dehors de cette auberge, Lhen déclare d’une voix teintée d'intérêt : « Lodagan, racontez-moi un peu vos aventures. Vous devez très certainement être un homme chevronné ! J’aimerais bien écouter votre histoire, si vous me le permettez. » Depuis plusieurs semaines, Lhen ne peut plus lire, et les récents événements l’ont plongée dans un tourbillon inattendu. Elle se demande si c’est une situation générale ou si c’est la guerre qui égare la forêt où elle a grandi. La nature se rebelle, les créatures s’agitent, tandis qu'une sinistre énergie semble s’emparer de sa terre natale.

p.s : Pardon pour l'attente ! Je suis de retour !

Ce n'était que la deuxième fois que le drow de Rhaak franchissait le seuil de cette auberge des rêves, à moins qu'il ne la renomme la taverne aux cauchemars. Beaucoup parmi les clients endormis étaient à première vue issus des peuples libres, ce qui l'agaçait et l'étonnait par la même occasion car ces derniers ne devraient pas dormir aussi aisément en ces temps d'invasions. Mais sans doute n'avaient-ils pas encore peser l'importance de cette guerre et les conséquences qui se propageaient peu à peu jusqu'au sud. Helviiryn comptait bien parvenir à ses fins, mais pour l'heure, il fallait avouer que le stratège semblait suffisamment épuisé pour finir entre ces murs oscillant entre réalité et illusion. Il écouta sans véritable réaction les réponses défensives des deux êtres qui partageaient le même plateau de bois que lui.

-"Je vous invite, drow sans manières, à prendre congés des campagnards que nous sommes. Prenez donc cette chaise et allez vous installer plus loin dans cette auberge ... La quitter serait sans doute trop demander". L'homme qui avait prononcé ces mots était un humain d'un certain âge, l'allure guerrière mais soignée, le charisme en prime. Helviiryn le jeauga un instant, se demandant quelle pouvait être ses fonctions. Il soupira légèrement avant de lui répondre. "Laissez donc vos alliés profiter de leurs dernières heures avant que je ne prononce leur exécution". Dit-il sans détour et jetant certainement un froid supplémentaire dans ce recoin de l'auberge. Il était évident que pendant son sommeil, le soldat qu'il était devenu n’œuvrait pas pour le mal, du moins ses actes se voyaient fortement limités. "Vu sous cet angle, je suis certain que vous vous acclimaterez très bien à ma présence". Menaça t-il avant de se tourner vers la jeune elfe, échappant un sourire devant une telle fragilité. "Tu n'es qu'un oisillon sans connaissance du monde. Heureusement pour toi, tu n'as jamais croisé l'un de mon peuple... comme tu dis".

Helviiryn attrapa son verre et bu une gorgée. Droit sur sa chaise, attentif, le visage serein et l'allure ordonnée, il reposa le tout sur la table partagée involontairement par la majorité. Il resta ensuite silencieux, jetant un coup d’œil furtif à la nouvelle clientèle tandis que la jeune femme s'adressait de nouveau à l'humain expérimenté pour en savoir un peu plus sur ses aventures. Le drow croisa les bras et dévisagea l'un et l'autre de ses interlocuteurs, amusé par la situation et curieux de la suite de leurs échanges.

Bien que Lodagan ne souhaitait pas donner une importance quelconque au drow en question, il devait avouer que les quelques mots prononcés par ce dernier avaient jeté un froid à la tablée de l'humain et de la jeune elfe. Le commandant caldérien resta silencieux, suffisamment agacé à l'idée de savoir des personnes captives qui attendaient le jugement de ce vil personnage. Il trouva bon de ne pas donner raison et encore moins la réplique au sang-noir un peu trop intrusif. Il pensa toutefois à la jeune Lhen qui devait subir la présence de cet allié de la mort pendant que son propre peuple était la principale victime. Le drow n'avait pas tort sur la fin de ses propos. Mieux valait pour la jeune femme qu'elle ne croise pas un ennemi des royaumes libres. Elle pourrait fortement en faire les frais, comme d'autres avant elle. En homme sage, Lodagan conserva un calme exemplaire.

-"Nous nous accommoderons". Dit-il en réponse au drow. "Cela ne signifie pas que nous apprécions". Ajouta t-il en buvant à son tour le contenu de son verre. Il reposa celui-ci sur la table tout en le conservant entre ses doigts puis il s'adressa à Lhen qui lui avait demandé un récit de ses aventures. Le commandant n'était pas homme à parler de lui et de sa vie, il était davantage un homme d'action. Toutefois, au vue de l'ambiance qui s'était installée, il ferait l'effort d'évoquer certains passages de son existence, histoire de distraire la demoiselle et éviter quelques échanges houleux avec la créature voisine. Il se devait également de rester discret sur certains points, notamment en la présence d'un sang-noir. En aucun cas il n'évoquerait des détails pouvant mettre en danger le roi de Caldérie ou son héritier, ou encore les membres de l'Alliance.

"Que vous dire ma chère, si ce n'est que je suis un homme fort occupé. Le poste de commandant requiert certaines prérogatives, du temps et une loyauté sans faille". Un client leva son verre et attira l'attention sur lui, ayant visiblement quelque chose à fêter avec sa tablée. Lodagan reprit rapidement la suite de son intervention. "J'ai bien des fois parcouru la Caldérie et accompli bon nombre de missions. Il me serait impossible de toutes vous les conter. Certaines ne peuvent l'être en présence d'inconnus..." , souleva t-il en décochant un bref regard sur leur voisin, "...et d'autres sont si lointaines que ma mémoire ne serait pas à la hauteur". Le commandant esquissa un léger sourire et reprit son sérieux pour conter l'une de ses aventures. "Hum... je me souviens de l'une d'elle qui était assez inhabituelle... Alors que la pluie s'abattait sur le royaume depuis des jours entiers, nous fûmes chargés, mes hommes et moi, d'assurer la protection d'une invitée d'un grand conseiller du roi... une noble dame... du moins c'est ce que nous pensions. Des objets disparaissaient dans le palais mais tout le monde s'en désintéressait. Les gardes dormaient en permanence et j'avoue avoir fait moi-même une petite sieste... quelques heures seulement...un peu moins d'une journée. Ce fut suffisant pour que la couronne soit subtilisée. Un vrai désastre et un immense subterfuge organisé par une femme-chat aussi agile qu'adepte de la magie. Heureusement, nous avons dans nos rangs certains mages qui ont pu déjouer ses plans. Le roi lui-même a retrouvé sa couronne dans les appartements du conseiller, et la voleuse resta sous surveillance avant d'être enfermée dans l'une des prisons du royaume. Le conseiller avoua avoir participé à ce plan pour revendre la couronne au marché noir. Il a donc subi le même sort que sa complice. Inutile de préciser qu'il s'agissait là d'une trahison". Lodagan se désaltéra un peu. Cette histoire de vol de couronne donnait soif. "La plupart des missions n'ont rien à voir avec celle-ci, mais toutes ont leur utilité. Je vous rassure, je fus bien plus efficace dans les autres". Sourit-il. "Mais une couronne a son importance pour ceux qui la défendent, et pour ce qu'elle représente". Le commandant jaugea le drow un bref instant puis s'adressa à la jeune femme. "Et vous, que faites-vous donc en ces temps de doute ?"

» Le temps d'un rêve [Libre]
» L'ennemi du Nord [Libre]
» Un fauteuil, un whisky, une rencontre. [Libre]
» Quand les navires peuvent parler [Libre]