A la recherche de Sethevan Row [Partie 2]

A la recherche de Sethevan Row

Partie 2

Partie 1 visible à Dinia

Le bateau du vieux Dakwel avait accosté le long de la côte vend'îlienne, vers le petit ponton du village connu sous le nom de Midahé. Principalement composé de pêcheurs et aventuriers de passage, ce recoin des vend'îles n'était pas très peuplé. Il existait ainsi plusieurs petits villages mais les attaques de vladénites poussaient les plus vulnérables à rejoindre les grandes cités. Non loin de là se dressait Minéas, la prochaine destination de Jud. Bien qu'elle appartenait à la Caldérie, cette ville est un peu délaissée par la surveillance du roi. Sa position géographique éloignée ne jouait pas en sa faveur, l'éveillé de Centrale pouvant difficilement agir aussi loin. C'est ainsi qu'elle est devenue une plaque tournante à la fois pour rejoindre les Vend'îles mais également pour divers trafics. La garde royale s'est adaptée et une milice tente ainsi de faire régner l'ordre sur place.

-"Minéas... trois jours, deux si t'es rapide. Par là !" Lança le vieux à l'adolescent qui observait déjà dans la direction montrée du doigt. Jud le remercia d'un mouvement du menton et cala son sac sur son épaule. Le ciel au loin était nuageux, aussi il ne s'attarderait pas sur place et choisirai un départ sur le champ. Il lui fallait traverser le village et rejoindre un chemin qui le mènerait à sa destination. Derrière lui, d'autres personnes en provenance de Dinia posaient le pied à terre tandis qu'un groupe de vieux pêcheurs détaillaient du regard les nouveaux venus en crachant quelques mollards et restes de fritures sur le sol poussiéreux. Jud les dépassa et s'aventura entre les vieilles pierres formant les quelques maisonnées du hameau.

Il n'était jamais venu de ce côté là des Vend'îles et il craignait un peu de rejoindre Minéas seul, surtout à cause de la réputation qu'elle arborait. Eneldor était parti sur sa terre natale depuis l'invasion d'Estérya et personne ne l'avait revu depuis. Décidément, les mentors du jeune garçon avaient tendance à disparaître sans laisser de traces. Le sentiment d'abandon était de fait bien réel. L'elfe et l'humain furent deux personnes qui partagèrent suffisamment sa vie pour qu'il se donne les moyens de les retrouver. A ce jour, et après l'indice trouvé récemment, Sethevan Row était sa priorité et il faudrait bientôt s'orienter vers les Monts du Diable. Jud se demandait encore ce que le pirate avait été faire dans ce coin du monde. C'était loin d'être une destination de rêve. 

Tandis qu'il réfléchissait à toute cette histoire, l'adolescent remarqua un homme plutôt bien vêtu, la bourse pendante à la ceinture et le regard posé sur une jolie jeune femme qui semblait travailler dans la seule petite auberge du village. En tant que voleur, pirate, adolescent, jeune membre de la Confrérie ayant entreprit seul un périple qui allait durer et coûter un peu d'idélium, il se dit que l'occasion était trop belle pour passer à côté. Mais le garçon n'avait pas volé depuis quelques années, depuis que Sethevan Row l'avait pris sous son aile... après l'avoir pris la main dans le sac. Mais il n'avait rien oublié de ses anciennes pratiques et c'est donc sans encombre que la petite lame coupa le lien qui permit à la bourse d'idélium de changer de mains. Un léger sourire de satisfaction se dessina sur le visage de l'adolescent qui poursuivait sa marche. Il se cala discrètement contre le mur pour glisser la bourse dans son sac et remarqua alors un chemin tout tracé qui traversait les prairies et semblait prendre la direction souhaitée. Il ne s'éterniserait pas ici et s'éloigna aussitôt en contournant cette fois-ci la dernière chaumière du petit village. Il sourit. Devant lui se dressait un montgolfier de petite taille. L'idée s'installa alors dans la tête de l'adolescent. Il prit la direction de celui-ci en toute discrétion et observa l'appareil en le contournant une première fois. Il sursauta lorsqu'une silhouette surgit devant lui...

Il était rare que Fiorella s'aventure aussi loin à l'est des Vend'îles, préférant de loin les embruns marins et l'allure altier de la belle ville d'Hellésia qui fournissait tout ce qu'il fallait à une voleuse haut de gamme comme elle l'était devenue depuis plusieurs années. Cependant, il arrivait qu'elle eut besoin de se rendre à Minéas pour faire oublier sa silhouette un temps et pour délester quelques menues bourses. La voleuse avait également là bas une bonne amie qu'elle avait rencontrée lors de ses années sombres et qu'elle avait plaisir à revoir malgré l'air vicié de cette cité qu'elle n'aimait pas.

De plus, son amie n'était pas trop regardante quant au "commerce" de la jeune Fiorella, de fait, elle avait été rendue aveugle par un homme passablement éméchée... C'est sur la route de cette ville que la jeune voleuse fit halte dans la ville de Midahé. Profitant de ses "talents", elle récolta quelques bourses et fit les poches de plusieurs marchands avant de s'aventurer un peu plus loin sur le port. Là, elle remarqua la bourse rebondie d'un homme qui pendait à sa ceinture. Elle s'approcha de lui et entama la discussion. User de ses charmes pour obtenir ce qu'elle souhaitait était fréquent pour elle et elle ne s'étonna guère qu'il tombe rapidement dans le panneau. Elle s'approcha de lui, lui susurra quelque chose de sensuel à l'oreille et se montra tactile jusqu'à s'approcher suffisamment de sa bourse... Cependant, elle n'était plus là... Quelqu'un lui avait donc "volé" la priorité sur son butin. Au loin, elle aperçut un jeune garçon qui semblait s'enfuir.

Ni une ni deux et abandonnant son joli cœur qui ne relevait plus d'aucun intérêt, elle partit en faisant une acrobatie sans même un au revoir et partit à la recherche du jeune garçon qu'elle avait vu. Grimpant sur un toit pour ne pas le perdre de vue, elle rejoignit la dernière chaumière du village et entama un saut qui la fit tomber juste devant le garçon. Le doigt levé et l'air accusateur elle lui lança : "Article 12 du code des voleurs de la Confrérie : le butin d'un voleur appartient à celui qui l'a vu en premier ! J'ai ferré le poisson, la bourse me revient !"

Elle avait adopté son air accusateur et son ton prétentieux, comme elle savait si bien le faire, pour impressionner le jeune garçon qui se tenait devant elle. Elle observa ensuite le garçon de bas en haut et devant sa tenue passablement décrépie sans parler de son visage d'ange, elle concéda : "Bon, vu ton talent, je t'en laisse la moitié."

Ils n'eurent cependant pas le temps de converser davantage que déjà derrière eux, un soldat venait aux côté du gros "poisson" en hurlant : "Au voleur !" Soupirant et jetant un regard noir au jeune garçon elle lança un : "Nous reprendrons cette conversation plus tard jeune homme !

Alors qu'il espérait s'éloigner sans être inquiété, Jud tomba nez à nez avec la jeune femme précédemment aperçue. Celle-ci, aussi charmante soit-elle, évoqua la Confrérie et ses droits sur le butin déjà bien au chaud au fond du sac de l'adolescent. Muet devant les revendications de l'inconnue, le garçon tourna néanmoins les yeux vers le hameaux d'où s’esclaffait la victime du vol. En l'espace de quelques secondes, la fuite idyllique du gamin passait du partage de la bourse subtilisée avec une inconnue, à l'alerte donnée par le pigeon dépouillé. Certes, il fallait avouer que la dame avait bien occupé le bonhomme pour qu'il puisse agir, mais l'heure n'était pas aux négociations. Jud enjamba le bord du Montgolfier posté à ses côtés depuis les dernières minutes puis il grimpa à l'intérieur.

Une drache était harnachée au petit vaisseau tandis que le temps semblait idéal pour un vol. Pourtant, et à moins que la jeune femme ne sache naviguer dans les airs, l'idée semblait convenir d'un futur désastreux. Néanmoins, les options étaient limitées, et courir dans les bois voisins ne les éloigneraient que partiellement. Jud attendit que l'inconnue grimpe également à bord de l'engin car après tout ils étaient dans le même guêpier. Cela dit, il ne l'attendrait pas davantage et emmènerait son butin avec lui. Sans attendre, il lança un "yahhhhh" à l'animal qui meugla sous le fracas de la sangle, avança, déplia ses ailes draconiques et décolla en tanguant d'un côté comme de l'autre. Le montgolfier, désormais lui aussi dérobé, venait de s'envoler dans les airs. Il plana quelques instants mais l'adolescent, bien qu'il était déjà grimpé dans ce genre de transport hellcan, ne savait point gérer une drache en plein vol. De surcroît, la bête en question se voulait un brin hostile et n'arrêtait pas de donner des à-coups, visiblement agacée par l'incompétence des navigateurs. Une forte turbulence  propulsa l'adolescent sur la jeune femme qui avait amortie sa chute. Il se releva un peu gêné et tomba de l'autre côté au prochain mouvement. Peut-être que l'option du vol aurait dû être plus réfléchie, mais le temps avait manqué. L'animal comptait bien brouter l'herbe d'une verdoyante prairie et il décida de se poser dès que l'occasion de présenta. L'atterrissage fut suffisamment houleux pour casser une partie du vaisseau, en espérant simplement qu'il n'y aurait que l'engin qui en subirait les conséquences.

Jud se redressa péniblement et passa la tête par-dessus l'habitacle penché. Ils avaient atterris au milieu de nulle part, à moitié sur un talus de ronces et sur un ruisseau. Ce n'est qu'à cet instant qu'il brisa le silence instauré depuis leur rencontre. "Ca aurait pu être pire". Dit-il soulagé en retrouvant le plancher des draches, portant juste sa main à son front pour vérifier la petite égratignure formée. Toutefois, le jeune garçon était suffisamment lucide pour agripper son sac et le prendre avec lui pour sortir du montgolfier. Quant à la drache qui les avait mené jusqu'ici, elle s'était débarrassée de son harnais et s'était allongée dans l'herbe, au moins vingt mètres plus loin, roulant et se grattant les ailes sur le sol. Cette drache avait peut-être des puces ou autres parasites qui l'avait rendue nerveuse, quoiqu'il en soit, Jud n'irait pas vérifier. "Tout va bien ?" Demanda t-il à la jeune femme, chose qu'il n'aurait pas fait si elle n'avait pas évoquée son appartenance à la Confrérie.